Fiche technique
Origine | France, Canada |
Année de production | 1998 |
Production | IMA Productions, Allegro Films, StudioCanal, France 2, France 3 Cinéma |
Durée | 92 min |
Auteur | Gérard Pullicino |
Création des personnages | Jacques Gastineau, Frédéric Gastineau, Michael Tomazo |
Réalisation | Gérard Pullicino |
Production | Georges Benayoun, Jacques Méthé |
Producteur exécutif | Charles Tible, Elisabeth Deviosse |
Scénarii | Gérard Pullicino, Vincent Lambert, Serge Richez |
Production délégué | Barbara Shrier, Manon Bougie |
Animation | Daniel Buthiaux, Elisabeth Patte |
Direction des effets spéciaux | Christian Guillon, Paul Swendsen, Christophe Huchet (effets visuels numériques), Louis Craig (effets spéciaux mécaniques) |
Direction artistique | Guy Lalande, Raymond Dupuis |
Décors | Frances Calder, Anne Grenier |
Montage | Laurent Rouan |
Direction photographie | Eric Cayla |
Costumes | Madeline Fontaine, Francesca Chamberland |
Musiques | Gérard Pullicino |
Direction de doublage | Luq Hamet |
Diffusions
Arrivée en France (cinéma) | 7 avril 1999 |
1ère diffusion hertzienne | 29 avril 2000 (Canal+) |
Rediffusions | 1er mars 2006 (Teva)
22 décembre 2008 (Canal+ Family)
20 mars 2009 (Canal+ Décalé) |
Synopsis
En des temps reculés, les Babels – gardiens de l’équilibre de la nature – vivaient aux côtés des humains. Jusqu’au jour où ces derniers décidèrent de bâtir une tour gigantesque ornée d’une pierre précieuse à son sommet pour défier les cieux. En punition, le Créateur donna aux hommes une langue différente, les amenant à ne plus se comprendre entre eux, et condamna les Babels à vivre sous terre.
Bien des millénaires plus tard, alors que le monde s’apprête à célébrer la dernière éclipse de lune du XXe siècle, les derniers Babels survivants – Kazam, Yatsouv et Babok – perdent une précieuse carte indiquant l’emplacement des restes de la fameuse tour. Le parchemin tombe entre les mains d’un publicitaire qui compte s’en servir comme base pour une nouvelle campagne d’affichage. Chargé de remettre l’objet à l’agence, son jeune fils David ne se doute pas qu’il va vivre une aventure extraordinaire aux côtés des Babels et d’Alice, sa maîtresse d’école. Tous devront faire face au redoutable Nemrod qui compte bien s’emparer de la pierre de Babel, chargée de la folie des hommes, pour répandre le chaos sur la Terre.
Commentaires
Actif depuis la fin des années 1980 dans le domaine du clip musical, des captations de spectacles (Starmania) et des émissions de variété (Taratata), Gérard Pullicino fait partie des réalisateurs les plus réputés de la télévision française. Avec un bagage de musicien, des études de cinéma à l’Idhec et une envie constante de symbiose entre image et musique, il était inévitable que l’homme derrière les émissions de Nagui soit tenté par le grand écran.
C’est ainsi qu’en 1994, il refuse plusieurs propositions de comédies (dont Les Trois Frères et La Vérité si je mens !) au profit d’une offre du producteur Georges Benayoun ; ce dernier cherche alors à mettre sur pied un projet de film pour enfants. C’est en relisant la Genèse que Pullicino, passionné de récits mythologiques, a l’idée de concevoir une histoire autour de la Tour de Babel qui trouve une résonance avec l’époque contemporaine, notamment autour de la concentration des médias qui se font écho de la violence du monde et dominent les esprits par la peur. En ayant le cinéma de Steven Spielberg à l’esprit, le réalisateur a l’ambition de faire un film mêlant animatroniques, effets spéciaux numériques et matte paintings. Conscient de la difficulté de faire du cinéma fantastique en France auprès des responsables de chaînes de télé, il vend son projet en tant que « comédie d’aventures » en attendant de réunir les fonds nécessaires.
Commencent alors 4 ans de montage financier durant lesquelles Pullicino planche sur la rédaction de son scénario, co-écrit avec Vincent Lambert et Serge Richez et qui connaîtra pas moins de 25 versions. La nécessité de passer par une co-production s’impose, avec le tournage d’une double version, en français et en anglais. Le casting est réuni, incluant des amis du réalisateur, dont le chanteur Michel Jonasz ainsi que le présentateur Nagui – dissimulé sous un improbable maquillage – dans le petit rôle du concierge de l’école.
Avec un budget de 82 millions de francs (soit 12,5 millions d’euros avec l’inflation), Georges Benayoun parvient à trouver un accord auprès du producteur canadien Jacques Méthé et de sa firme Allegro Films. Bénéficiant à la fois d’avantages financiers et d’une architecture moins connotée qu’en France ou aux États-Unis, le tournage a donc lieu à Montréal en 1998 et durera 4 mois avec une équipe principalement québécoise. Les effets spéciaux et la post-production sont toutefois assurés en France : les frères Gastineau, à l’origine des animatroniques du film Marquis (1989) d’Henry Xhonneux, se chargent de concevoir les Babels et les effets numériques sont partagés entre les studios E.S.T, Ex-Machina et Mikros Image. Le réalisateur en profite pour peaufiner les dialogues jusqu’au bout avec une version française comprenant aussi bien le doublage des acteurs anglophones que le re-doublage de certaines répliques des interprètes français.
Malgré le bon retour des enfants lors des séances en avant-première, le film sera globalement boudé à sa sortie et enregistrera à peine 125.695 entrées en France ; avec une projection en clôture du Festival du Film pour Enfants de Toronto, l’accueil au Canada sera à peine meilleur. L’échec de Babel mettra fin à la carrière cinématographique de Gérard Pullicino qui prévoyait d’enchaîner avec un projet de thriller sur la réincarnation intitulé Le Cygne Indien.
À l’instar du Passage (1986) de René Manzor, Babel est bâti sur un récit empreint de naïveté désarmante, destiné à faire prendre conscience aux enfants de la violence du monde. Mais le film de Pullicino se distingue par la générosité que le réalisateur déploie sur le plan artistique, à commencer par une mise en scène très graphique faisant la part belle aux décors, entre gigantisme sublimé par les matte paintings (la tour de Nemrod, la grotte souterraine aux teintes émeraudes) et structure labyrinthique (le réseau des égouts). La dimension de conte de fées du récit est véhiculée par les Babels, créatures qui par leur design rappellent le bestiaire de Dark Crystal (1982) de Jim Henson, ainsi que par l’atmosphère irréelle qui émane de certaines scènes avec les hommes de Nemrod en imper, crânes rasés et appareils reliés qui semblent tout droit échappés de La Cité des enfants perdus (1995) de Marc Caro et Jean-Pierre Jeunet. Mais cette irréalité est renforcée par la propension du film à vouloir en faire trop, avec en premier lieu le sur-jeu des acteurs souligné par une post-synchronisation labiale plus que variable : si Maria de Medeiros livre une prestation correcte dans le rôle d’Alice, Michel Jonasz en père veuf est déchaîné comme un enfant enfermé dans un corps d’adulte tandis que Tchéky Karyo s’impose en méchant de dessin animé avec une diction heurtée, entre récitation et cabotinage.
Babel se rapproche ainsi du nanar, surtout lorsque Pullicino tente de dramatiser sa mise en scène : en témoigne cette séquence hallucinante où David passe par la fenêtre de son école avant de s’écrouler sur les différents étages d’un échafaudage, une cascade d’une incroyable violence au montage sur-découpé, assortie de répétitions de plans et de ralentis pompeux avec le thème d’Histoires de la forêt viennoise de Strauss en fond musical (!). Composé par le réalisateur lui-même, le reste de la bande-son constituée d’envolées orchestrales lyriques et d’arrangements orientaux contribue à cette exagération avec un sur-mixage envahissant. Aux trous du scénario s’ajoute un mélange de blagues enfantines (tartes à la crème, répliques vaseuses) et de références pour les adultes (La Quatrième Dimension, Les Envahisseurs) qui achève de conférer au film un caractère dispersé et maladroit.
Malgré ce cocktail peu équilibré, Babel reste une intéressante étrangeté pour enfants, de par son ambition déployée pour son époque et sa volonté sincère de délivrer un divertissement enchanteur avec une identité propre.
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Sources :
Cyril Cavalié, La Tour Infernale de Babel, L’Écran Fantastique n° 176, p. 64-67, août 1998.
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