1789

Diffusions
1ère diffusion27 mai 1989 (Canal+ - Un Après-Midi + Animé – extraits)
Synopsis

16 juillet 1789 : la Bastille est démolie. Des actes de révolte ont lieu dans les rues. Un musicien déambule en jouant du violon. Deux personnages embarquent dans une montgolfière et survolent le Palais des Tuileries avant d’arriver au chantier du Pont de la Concorde où aboutissent les pierres de l’ancienne forteresse.

Commentaires

1989 a été l’année de la célébration du Bicentenaire de la Révolution Française et donna lieu à de multiples manifestations culturelles entre cérémonies mémorielles, parades, pièces de théâtre et concerts. Le milieu de l’animation ne fera pas exception et des productions prenant pour cadre cette période verront le jour comme Les Enfants de la Liberté, dessin animé à destination du jeune public ou encore La Révolution Française – Têtes et Chroniques de Michaël Gaumnitz pour les esthètes adeptes des programmes courts de Canal+. Le champ du court-métrage d’auteur sera principalement représenté par le film dont il est question ici, sobrement intitulé 1789.

C’est à la société TDI (Thomson Digital Image) que la Mission du Bicentenaire alloue un budget de 11,5 millions de francs pour un court-métrage hybride avec des personnages animés en 2D sur des décors en images de synthèse, le tout au format 35 mm et en relief, soit un véritable défi pour l’époque ; presque trop grand pour TDI qui pense ne pas pouvoir mener à bien le projet sans passer par la sous-traitance, d’autant plus que la réalisation est confiée à José Xavier, animateur réputé mais sans aucune expérience dans le domaine du numérique.
Durant l’été 1988, la société se réorganise en séparant tout d’abord ses activités que sont la vente de logiciels et la production d’images numériques, puis en faisant appel à leur principal concurrent pour grossir leurs rangs : la division Images de la société Sogitec qui, outre la production de films publicitaires, conçoit des simulateurs de vol pour le groupe Dassault. Ce dernier, qui voit dans ce département coûteux un domaine qui lui apparaît de plus en plus étranger en plus de ne constituer que 4 % de son chiffre d’affaires, accepte la vente. C’est ainsi que seront réunis dès l’automne des ingénieurs, graphistes et cinéastes des deux branches Images de TDI et de Sogitec pour former une nouvelle entreprise baptisée Ex-Machina, qui sera officiellement créée le 1er janvier 1989 avec le soutien financier de l’INA.

Le projet 1789 repart dès lors sur de bonnes bases : l’équipe dispose d’un savoir-faire plus étendu et José Xavier partage la réalisation avec Jerzy Kular, issu de Sogitec, en plus de réécrire le scénario (le script initial d’Erik Orsenna, qui venait tout juste de remporter le Goncourt pour son roman L’Exposition coloniale, ayant été jugé irréalisable). Le Plan Recherche Image – dont 1789 sera l’un des derniers bénéficiaires – débloquera également un budget de 300.000 francs pour la réalisation d’un making-of (Paris 3D par Michel Treguer) pour accompagner sa sortie.
Au total, ce n’est pas moins de 85 personnes qui travailleront pendant 5 mois sur le film. À partir de lithographies et de gravures mais aussi de cadastres et de plans d’architectes de l’époque, les artistes ont relevé les cotes, élévations, ressauts et travées des bâtiments pour reconstituer le Paris du XVIIIe siècle avec la plus grande fidélité historique. Une palette entière de textures (bois, pierre, crépi…) est ensuite développée en s’efforçant de casser l’aspect froid de l’image de synthèse. En parallèle, les plans établis en line test (sans couleurs ni textures) sont envoyés au studio Story-Board qui s’occupe de l’animation 2D : l’équipe passe les plans au rotoscope pour relever les points d’interaction entre décors et personnages, ces derniers étant alors animés en conséquence selon la technique traditionnelle au cellulo. Modélisés sur le logiciel Explore de TDI, les décors intègrent les effets de lumière ainsi que la surface ruisselante de la Seine et la brume qui nimbe les quais, achevant de faire du film un véritable accomplissement technique pour 20.000 heures de rendu effectuées sur cinq calculateurs Power Series de Silicon Graphics. Les personnages en 2D sont ensuite intégrés à l’ensemble à la tireuse optique Truca (bien que certains, comme ceux en partie dissimulés par la brume, seront incrustés numériquement).

Le film est achevé dans les temps mais l’idée du relief stéréoscopique, à l’issue de plusieurs tests, est toutefois abandonnée (les personnages en 2D ressortaient très mal une fois passés en relief et le procédé aurait multiplié le temps de rendu par deux).
1789 sera projeté en boucle au Jardin des Tuileries du 8 mai à fin novembre 1989. Présenté au Festival d’Annecy lors de la soirée d’ouverture – suivie d’une conférence dédiée –, le film fait grande impression auprès de la profession, notamment des studios Disney qui en réclameront aussitôt une copie 35 mm. Bien que dénué d’intrigue où les séquences sont avant tout un prétexte pour plonger dans l’atmosphère du Paris d’antan, le résultat constitue un manifeste du savoir-faire français dans le domaine de l’image de synthèse avec un sens du spectacle et une ambition formelle jamais vus auparavant. Présenté au salon du SIGGRAPH de Boston, aux festivals Ars Electronica de Linz et Images du Futur de Montréal, 1789 devient la carte de visite d’Ex-Machina qui se développera dans le domaine des effets numériques (Les 1001 Nuits de Philippe de Broca), des rides movies pour les parcs d’attraction et des courts-métrages de fiction et de pubs (avec parmi les artistes à l’œuvre un jeune diplômé des Gobelins encore inconnu, Pierre Coffin).

Précisons que le film existe en deux versions : la version originale de 8min30 qui fut celle présentée aux Tuileries qui en détenait l’exclusivité et une version raccourcie à 4min30, utilisée pour la promotion d’Ex-Machina. Bien que des extraits de la version originale aient été diffusés sur Canal+, les dates de diffusion du film à la télévision française (ainsi que celle du making-of) n’ont pas été retrouvées à ce jour.

Merci à Jerzy Kular pour le complément d’informations.

Auteur : Klaark
Sources :
http://histoire3d.siggraph.org/
Pierre Hénon, Une histoire française de l’animation numérique, EnsAD éditions, 2018.
Cécile Welker, La Fabrique des "Nouvelles Images" : l’émergence des images de synthèse en France dans la création audiovisuelle (1968-1989), thèse de doctorat en Arts et sciences de l’art, Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3, 2015.
Jean Segura, Le Paris de la Révolution, en images de synthèse, Libération, 5 mai 1989, p. 30.
Jean Segura, Les Pixels refont la Révolution, Tech-Images n° 6-7, été 1989, p. 36-40.
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© José Xavier / Tuileries 89, Initial Groupe, Club d'Investissement Media
Fiche publiée le 14 juillet 2023 - Lue 2238 fois